Haïti, la santé est malade

Le verdict du dernier rapport quinquennal (2013-2017) de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) intitulé « Santé dans les Amériques 2017 » est sans appel. Haïti est 34e sur la liste des pays de l’Amérique qui dépensent le moins en santé. Le rapport a analysé le cas des 34 pays de notre continent et notre pays est 34e.

Selon ce rapport, Haïti a investi moins de 2% de son produit intérieur brut (PIB) en soins de santé au cours des cinq dernières années alors que le minimum recommandé est de 6%. Avec seulement 4,3% de son budget  alloué à la santé, Haïti est loin des recommandations de l’OPS/OMS qui suggère que 15% des dépenses en santé doivent provenir du budget national dans les pays à faible revenu.

Comme suggestion, « l’étude recommande en particulier la mise en place de nouvelles taxes ou l’augmentation des taxes existantes, surtout sur les produits nocifs pour la santé, une amélioration de l’efficience des systèmes de santé et des dépenses relatives à la santé publique et une amélioration de l’administration fiscale.

Dans le budget 2017-2018, il n’y a aucune augmentation ni nouvelle taxe « sur les produits nocifs pour la santé », aucune mesure spectaculaire pour aller vers « l’efficience des systèmes de santé et des dépenses relatives à la santé publique » ou vers « une amélioration de l’administration fiscale ». Il est à craindre que les maladies de notre système de santé perdurent.

A lire les recommandations du rapport, on peut se demander en quoi le budget 2017-2018 va changer les choses dans le secteur de la santé en Haïti quand on sait que nous avons alloué au ministère de la Santé publique et de la Population 6.1 milliards de gourdes pour veiller sur la santé de plus de 12 millions d’Haïtiens et 7.2 milliards de gourdes au Sénat et à la Chambre des députés.

Dans le budget 2016-2017, le ministère de la Santé publique et de la Population disposait de 3.9 milliards de gourdes, le Parlement de 3.8 milliards de gourdes. De quelles maladies souffrent les parlementaires haïtiens pour se voir prescrire une telle augmentation de budget ?

Le rapport de l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS) conseille que les pays qui cherchent à créer davantage d’espace budgétaire le fassent au moyen d’un dialogue inclusif fondé sur les principes de la stratégie pour l’accès universel. Recommander le dialogue pour satisfaire des besoins et trouver des ressources fiscales sont valables pour tous les secteurs de la société. Nous l’avons malheureusement oublié.

Haïti ne dépense pas suffisamment dans la santé. Est-ce un rapport de cause à effet ? Depuis des mois il y a une recrudescence de maladies oubliées qui refont surface en Haïti. Il y a des hôpitaux flambant neuf qui ne peuvent fonctionner. Il y a des facultés de médecine qui peinent à remplir leur mission. Il y a des écoles qui forment des professionnels de la santé qui ne sont pas supervisées. Il y a des employés qui font grève après grève.

Les conséquences des politiques restrictives depuis des années auront des répercussions de plus en plus graves si rien n’est fait pour renverser la vapeur dans le secteur de la santé. La situation risque même de s’aggraver avec la décision de la République dominicaine de restreindre l’accès à son système de santé publique aux ressortissants haïtiens. Quand notre plus proche voisin fermera ses portes à nos malades, la pression augmentera sur nos faibles moyens. Les maladies de nos infrastructures sanitaires vont s’accroître lentement mais sûrement.

Frantz Duval 

Journaliste haïtien

rédacteur en chef du Nouvelliste